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Vendredi 17 juin 2011 à 12:20

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Weber se trompait lourdement en voyant dans le développement de l’administration un progrès de la rationalisation. Quiconque a lu le Château de Kafka ou les douze travaux d’Astérix a été fixé sur le sujet.
Le pire, ce sont les transferts de dossiers, quand deux administrations s’en mêlent. Au moins, le doute n’est pas permis : on est sûr que ça va être comme des sables mouvants (long, inextricable, asphyxiant).
J’aurai dû savoir qu’universitairement, faire une prépa n’est pas stratégique : la fac n’aime pas ceux qui sortent de leur sillage. Amis préparationnaires, intégrez à tous prix, même Céramique Limoge : vouloir rejoindre la fac, c’est comme s’épingler une cible sur la poitrine lors d’une partie de chasse.
J’avais eu deux avertissements déjà : une histoire invraisemblable de rattrapages en mathématique en première année (comme si les littéraires faisaient des math), un test de langue ubuesque en deuxième année. Vouloir valider une double licence a été une erreur fatale.
Ça a commencé par un coup de fil. « Bonjour, dans trois jours vous êtes conviée à une réunion d’information à propos du dossier que vous devez rendre dans deux semaines. Vous n’avez pas eu les papiers ? ils sont partis aujourd’hui pourtant. ».
On serre les dents et on y va. Puis on rédige à la hâte un rapport de cinq pages où il s’agit de « décrire et d’analyser mon programme de formation » (quelle analyse ? « J’aime la socio, la socio c’est bien, Durkheim <3 » ?), on essaye de montrer qu’on est la plus belle et qu’on mérite d’en avoir pour nos trois cents euros d’inscription cumulative en fac. On se croit débarrassé.
On s’attaque alors à la partie « facile » : la partie administrative. On se croit large : il reste une semaine. Ne jamais sous-estimer l’ennemi, règle n°1.
La fac demande un « descriptif des programmes des formations suivies certifié par l’établissement ». Dix douloureux mots, inutilement alambiqués, qui étourdissent tous ceux qui l’entendent.
On s’adresse tout d’abord à un professeur, après tout il est le principal concerné par des programmes de formation. Ça lui dit quelque chose (c’est bien le seul), il m’oriente vers le censeur.  La secrétaire du censeur, d’une amabilité à toute épreuve, m’interrompt avant même que j’ai fini de déballer le pedigree de ce fameux document, qu’il faut aller en préfecture. C’est marrant, la préfecture me renvoie à la secrétaire du censeur. Ca sent l’embrouille. Je m’attaque donc au problème en amont : le censeur.
Le censeur ouvre de grands yeux lorsque je prononce les dix mots maudits. Il me fait répéter, tapote vaguement sur son clavier, se gratte le crâne et imprime un extrait du bulletin officiel qui détermine les grandes lignes du programme de ma prépa (genre, le truc qu’on trouve sur Internet), en me disant qu’il ne voit pas ce qu’il peut faire d’autre.
Vaincu à son tour par l’administration, il appelle à la rescousse un collègue, un incompétent plein de bonne volonté qui répète qu’il connait la fac, qu’il sait ce qu’ils veulent, et il me donne un emploi du temps avec tampon de l’établissement. Voilà qui sonne très « descriptif des programmes des formations suivies certifié par l’établissement ».
Je décide donc de contacter la fac, vaguement paniquée à l’idée qu’il me reste trois jours pour peut-être collecter auprès de mes professeurs un « descriptif des programmes des formations suivies » rédigé pour l’occasion. Mme T. à qui je m’étais adressée, me répond rapidement que je dois m’adresser à Mme C. Madame C. me répond à son tour que je dois m’adresser à Mme T. A ce stade, je me rends compte que même la fac ne sait pas de quoi il est question.
Lorsque je lui réponds que c’est Mme T. qui m’envoie, la très aimable Mme C. me téléphone en tentant de régler le problème avec moi. La pauvre ne sait pas non plus de quoi il s’agit.
Elle recontacte Mme T., qui finit par me dire que « normalement, c’est un document indiquant les programmes de formations que vous avez suivies dans votre lycée ». En gros, elle a rajouté « indiquant » et « que vous avez » et a retiré « certifié ». Tout de suite, j’étais très avancée. Tout ça pour m’entendre dire que oui oui, le BO signé suffirait. Si on y pense, en fait ça sert à rien ?
Je me suis alors rendue compte qu’il me manquait un relevé de notes pour le dossier. Sagement, j’ai lâché l’affaire.

La discussion continue ailleurs...

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