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Mercredi 9 octobre 2013 à 13:07

Ça semblait facile. Un simple colis Chronopost, à aller chercher. En général, ils sont laissés à l’agence postale à 5 minutes à pied de chez moi, un quart d’heure et c’est plié. Une tâche facile.
Bien sûr, ça aurait été trop beau. Sur l’avis de passage, il est indiqué que je dois chercher mon colis à une agence Chronopost, située dans une rue près de chez moi. Je m’y rends d’un pas léger, mon caddie derrière moi (il s’agit d’un colis de 5 kgs quand même). Alors voyons, je suis au numéro 157 et il faut que je me rende au… numéro 13. Après une petite balade en bus de 20 minutes et un arrêt de tram, j’arrive au niveau du numéro 13. Ça ne ressemble ni à une agence ni à un dépôt. Non, ça ressemble à un HLM. Plus exactement, un parking de HLM. C’est sale, bétonné, une galerie enfoncée sous des immeubles, qui se serrent les uns contre les autres.
Un panneau avec une flèche encourageante indique le n°13 vers l’entrée de la galerie, une sorte de sortie de parking. Je me dis que c’est peut-être un dépôt dans un gigantesque souterrain. Je m’engage sur la petite rampe d’accès. A droite, un petit renfoncement avec une porte d’entrée d’immeuble, perpendiculaire à une porte de parking gigantesque. Sur le mur en face de la porte de l’immeuble, un large panneau annonce triomphalement « Chronopost accueille des clients de 8hà 20h »., adossé au béton sale, seule indication que je ne suis pas totalement perdue.
En face, un interphone indiquant le nom de différentes entreprises… et des locataires de l’immeuble. Oui, Chronopost est là incognito, dans un immeuble d’habituation glauque, au milieu d’autres immeubles et de nulle part. s’il ne s’agissait pas d’une entreprise semi-publique, j’aurais cru à une arnaque.
Je sonne. Une fois, deux fois, trois fois. Pas de réponse. L’entrée de l’immeuble est toujours close. Je fais un petit tour, au cas où je me sois trompée et que je sois à l’entrée fournisseur, l’entrée de service. Parce que ça ne ressemblait vraiment pas à une entrée clients. Mais non, pas d’autre entrée visible. Je sonne. Une fois, deux fois, trois fois.
On finit par m’ouvrir. Je monte au 3ème, porte semblable aux autres de l’étage, avec un panonceau « Chronopost » sur la gauche. Je sonne, la porte reste close. J’ai dû attendre une demi-douzaine de minutes avant qu’on ne daigne m’ouvrir. Visiblement il n’y avait personne à l’accueil. Il est 14 heures mais la pause déjeuner ne semble pas tout à fait finie. J’aime cette logique, ouvrir à quelqu’un à l’entrée de l’immeuble et ne pas se tenir prêt à l’accueillir lorsqu’il arrive à la porte d’entrée. Ça ressemble vraiment à une entreprise bidon.
La personne qui me prend en charge va chercher mon colis sans cesser de grogner et de se plaindre qu’elle n’a pas envie de faire l’accueil tout l’après-midi, on atteint les sous-sols du professionnalisme.
Enfin munie de mon colis, je peux repartir chez mois, à trente minutes en transports en commun. J’ai donc mis plus d’une heure à récupérer un lourd colis, dont on ne m’avait pas prévenu de la livraison, dans un endroit inquiétant qui hurle l’amateurisme. Plus jamais.

Vendredi 9 septembre 2011 à 23:40

http://www.futura-sciences.com/cgi-bin/mimetex.cgi?%5Cint_a%5Eb%7Bf(x)dx%7D

Je ne sais pas comment ça a pu arriver. Je m’étais pourtant jurée que plus jamais je ne prendrai part à une intégration, ni en tant que victime ni en tant que bourreau. Non pas que mon expérience d’intégration en tant que « bizuth » ait été si terrible (dans le sens où ce n’est pas un souvenir qui me hantera jusqu’à la fin de mes jours), mais c’est indéniablement un mauvais souvenir. Je ne dois pas être faite pour les expériences de groupe.
Pourtant, j’ai été entraînée contre mon gré, en tant que bourreau à une de ces sauteries de bizuthages. Dès le début, je faisais tâche : je n’avais pas l’uniforme de kapot. Je n’avais ni le béret ridicule dont on nous affuble à la fin de l’intégration pour marquer au fer rouge notre entrée dans le monde merveilleux des intégrés, ni la blouse où ceux qui ont réussi leurs concours (ou leur inscription à la fac) inscrivent avec modestie « très vénérable intégré dans telle prestigieuse école ». Qu’est-ce que j’aurai pu écrire, de toute façon ? « Très vénérable intégrée nulle part » ? « Fort valeureuse désintégrée » ? quant au béret, je l’ai perdu il y a deux ans.
Et donc j’étais là, au milieu des blouses blanches et bleues et des couvre-chefs risibles, habillée comme une bizuth et donc à la merci de la première humiliation venue, autour de moi les blouses brandissaient du sirop, des flamby, des œufs et de la farine prêts à s’écraser sur les bizuths, elles étaient survoltées à l’idée de la grande bataille du self à venir et moi, je me demandais ce que je faisais là.
Deuxième épisode, deuxième incursion au pays des intégrés. Droit à un aperçu d’une centaine de bizuths exécutant en chœur la même chorégraphie débile sur une chanson débile, un des nombreux rituels de l’intégration, et il y avait tellement d’énergie qui parcourait cette masse, une ardeur, une hystérie, une joie d’être là, de s’amuser (car le ridicule ne tue pas quand on est plusieurs, il peut devenir drôle). Les bizuths brûlaient d’enthousiasme, chantant de concert leur soumission au président du bureau des élèves à pleins poumons, les yeux plein d’étoiles, parce qu’ils faisaient partie d’un groupe.
Tout cela me rendait malade et mes amies me demandaient « pourquoi tu n’aimes pas ça ? tu ne trouves pas ça drôle ? Rabat-joie. ». Je ne sais pas, peut-être que j’ai une personnalité et que je n’ai pas envie qu’on en brise un morceau sous prétexte que je dois me mêler à une communauté éphémère, peut-être que je n’ai pas besoin de libérer mes pulsions sadiques sur un type qui a le malheur de passer par là juste parce qu’on m’en donne le droit, parce qu’il m’en donne le droit, et j’avais envie de crier « vous n’avez donc pas de dignité ? vous ne voyez pas que quelque chose cloche ? ». Apparemment je suis la seule à trouver cette atmosphère malsaine. Par contre, tout le monde avait l’air de trouver normal de taper des gens avec des polochons sans qu’ils se défendent. Parce que c’est vrai, c’est bon enfant, ça ne fait pas vraiment mal les polochons, et regardez comme ils ont l’air heureux de se faire humilier, comment ils acceptent leur soumission à des égaux.
Ce qui m’a le plus énervée, c’est cette petite blouse bleue qui est venue nous interrompre mes amies et moi pour nous demander de rejoindre les bizuths afin de se faire arroser d’eau et sûrement d’autres machins. Elle était là, sur sa trottinette, à insister pour que nous rejoignons les victimes, parce que deux d’entre nous n’avaient ni blouse ni béret, comme si le fait d’avoir un surnom stupide dans le dos lui donnait une autorité, un pouvoir indéfectible. Elle n’a qu’un an de plus de ceux qu’elle veut soumettre, mais sa blouse lui donnait l’illusion d’être supérieure, d’être entrée dans la cours des grands. Dieu merci, elle a fini par rebrousser chemin, sinon j’aurai probablement planté mes canines dans sa gorge, pour revenir au pouvoir le plus primaire, pour pousser la mascarade jusqu’au bout en introduisant la violence. On a bien voulu me faire oublier que j’étais quelqu’un, j’aurai bien pu oublier que j’étais un humain, l’espace d’une soirée, puisqu’apparemment tout était permis. Et en trophée, j’aurai enfilé sa blouse, pour marquer mon entrée dans le camp des forts.
Mais l’horreur n’était pas encore à son comble. J’ai appris qu’ils avaient acheté des poules, comme des espèces de mascottes à plumes des classes. Et qu’ils les ont fait participer à un de leurs jeux, à savoir le béret (avec la poule dans le rôle du béret), assaisonné d’une bâche savonneuse secouée au quatre coins par de valeureux volontaires en blouse. A la fin, il parait que les pauvres volatiles étaient passablement mal en point, mais elles ont survécu, puisqu’elles sont parvenues à empester les salles de classe le lendemain. Des poules. En plein Paris. Dans un lycée. Quelque chose me chiffonne, mais quoi ?
C’est officiel, jamais plus je ne ferai la reine de sabbat, et surtout pas malgré moi.

Samedi 20 août 2011 à 16:38

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chère dinde de Noël
J'espère te faire profiter un peu de l'ambiance de la fête puisque tu y échappes immanquablement, chaque année tu es privée de ton réveillon et j'en suis désolée pour toi. Mais sache que ta mort n'est pas vaine. Car non seulement tu ravis les papilles des familles sans imagination (faire de la dinde à Noël, c'est tellement XXème siècle) mais en plus tu as une fonction rituelle, irremplaçable et socialement essentielle : tu es le bouc émissaire. J'espère que ton âme ne s'attarde pas ici-bas entre le 24 et le 25 pour assister aux rituels funéraires qui suivent ta mise à mort, car le choc pourrait être tel que ton âme n'atteigne jamais le paradis des volailles. Vois-tu ces chefs de famille, le bras prolongé par la machette qui sert une fois par an pour te mettre en pièce ? Ils s'acharnent avec vigueur sur ton cadavre, maladroitement, ils tentent vraiment de te débiter en tranches fines et égales mais même dans la mort tu résistes, tu leur donnes du fil à retordre, tu attises leur haine. Car c'est là, la vrai fonction de la dinde de Noël : tu préviens les meurtres contre les dindes humaines (ou du moins celles qui sont qualifiées comme telles par leur cher et tendre), tu sers d'exutoire.
Alors pars en paix, petite dinde. Car pendant l'année à venir, tu seras vengée par la dinde survivante.

Vendredi 17 juin 2011 à 12:20

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Weber se trompait lourdement en voyant dans le développement de l’administration un progrès de la rationalisation. Quiconque a lu le Château de Kafka ou les douze travaux d’Astérix a été fixé sur le sujet.
Le pire, ce sont les transferts de dossiers, quand deux administrations s’en mêlent. Au moins, le doute n’est pas permis : on est sûr que ça va être comme des sables mouvants (long, inextricable, asphyxiant).
J’aurai dû savoir qu’universitairement, faire une prépa n’est pas stratégique : la fac n’aime pas ceux qui sortent de leur sillage. Amis préparationnaires, intégrez à tous prix, même Céramique Limoge : vouloir rejoindre la fac, c’est comme s’épingler une cible sur la poitrine lors d’une partie de chasse.
J’avais eu deux avertissements déjà : une histoire invraisemblable de rattrapages en mathématique en première année (comme si les littéraires faisaient des math), un test de langue ubuesque en deuxième année. Vouloir valider une double licence a été une erreur fatale.
Ça a commencé par un coup de fil. « Bonjour, dans trois jours vous êtes conviée à une réunion d’information à propos du dossier que vous devez rendre dans deux semaines. Vous n’avez pas eu les papiers ? ils sont partis aujourd’hui pourtant. ».
On serre les dents et on y va. Puis on rédige à la hâte un rapport de cinq pages où il s’agit de « décrire et d’analyser mon programme de formation » (quelle analyse ? « J’aime la socio, la socio c’est bien, Durkheim <3 » ?), on essaye de montrer qu’on est la plus belle et qu’on mérite d’en avoir pour nos trois cents euros d’inscription cumulative en fac. On se croit débarrassé.
On s’attaque alors à la partie « facile » : la partie administrative. On se croit large : il reste une semaine. Ne jamais sous-estimer l’ennemi, règle n°1.
La fac demande un « descriptif des programmes des formations suivies certifié par l’établissement ». Dix douloureux mots, inutilement alambiqués, qui étourdissent tous ceux qui l’entendent.
On s’adresse tout d’abord à un professeur, après tout il est le principal concerné par des programmes de formation. Ça lui dit quelque chose (c’est bien le seul), il m’oriente vers le censeur.  La secrétaire du censeur, d’une amabilité à toute épreuve, m’interrompt avant même que j’ai fini de déballer le pedigree de ce fameux document, qu’il faut aller en préfecture. C’est marrant, la préfecture me renvoie à la secrétaire du censeur. Ca sent l’embrouille. Je m’attaque donc au problème en amont : le censeur.
Le censeur ouvre de grands yeux lorsque je prononce les dix mots maudits. Il me fait répéter, tapote vaguement sur son clavier, se gratte le crâne et imprime un extrait du bulletin officiel qui détermine les grandes lignes du programme de ma prépa (genre, le truc qu’on trouve sur Internet), en me disant qu’il ne voit pas ce qu’il peut faire d’autre.
Vaincu à son tour par l’administration, il appelle à la rescousse un collègue, un incompétent plein de bonne volonté qui répète qu’il connait la fac, qu’il sait ce qu’ils veulent, et il me donne un emploi du temps avec tampon de l’établissement. Voilà qui sonne très « descriptif des programmes des formations suivies certifié par l’établissement ».
Je décide donc de contacter la fac, vaguement paniquée à l’idée qu’il me reste trois jours pour peut-être collecter auprès de mes professeurs un « descriptif des programmes des formations suivies » rédigé pour l’occasion. Mme T. à qui je m’étais adressée, me répond rapidement que je dois m’adresser à Mme C. Madame C. me répond à son tour que je dois m’adresser à Mme T. A ce stade, je me rends compte que même la fac ne sait pas de quoi il est question.
Lorsque je lui réponds que c’est Mme T. qui m’envoie, la très aimable Mme C. me téléphone en tentant de régler le problème avec moi. La pauvre ne sait pas non plus de quoi il s’agit.
Elle recontacte Mme T., qui finit par me dire que « normalement, c’est un document indiquant les programmes de formations que vous avez suivies dans votre lycée ». En gros, elle a rajouté « indiquant » et « que vous avez » et a retiré « certifié ». Tout de suite, j’étais très avancée. Tout ça pour m’entendre dire que oui oui, le BO signé suffirait. Si on y pense, en fait ça sert à rien ?
Je me suis alors rendue compte qu’il me manquait un relevé de notes pour le dossier. Sagement, j’ai lâché l’affaire.

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