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Dimanche 28 août 2011 à 20:16

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La deuxième semaine a été un peu plus sympathique, d'une part parce que j'ai eu une autre voisine de bureau (c'est-à-dire quelqu'un qui pense la bouche fermée) et d'autre part parce que j'ai découvert que certains de mes collègues étaient capables de mener de vraies discussions (c'est-à-dire ni des monologues ni de non-échanges verbaux décousus. En fait, traiter ses collègues de vieux, c'est vachement efficace pour briser la glace. A utiliser avec modération avec les femmes et les vrais vieux, en général ils finissent par se vexer) et surtout, j'ai appris à repérer les heures de pause matin et après-midi, de quoi meubler une à deux heures chaque jour.

J'ai pu profiter des joies ordinaires d'un bureau : j'ai supporté les discussions oiseuses de ma collègue et son efficacité, les allusions voilées à d'autres collègues jugés indélicats et les indispensables débats cinématographiques.

J'ai ainsi pu constater à quelles extrémités le manque de confiance en soi peut mener : sur la base de données de 160 fournisseurs dont je devais contrôler les informations s'y rapportant (dans une autre base de données), j'avais trouvé trois anormaux, que j'avais signalé à ma collègue (plusieurs fois). Mardi matin, elle m’a demandé de revérifier, pour être sûre qu'on se soit bien comprises (mais vu le nombre de précisions qu'elle m'avait demandé sur mes gribouillages, le contraire eut été hautement improbable). Mais au fond, elle a eu raison : rien n'avait été modifié. Je reste pantoise : ne pas avoir confiance en soi et demander des re-vérifications, c'est une chose. Ne pas tenir compte des re-vérifications, ça dépasse mon entendement. En tous cas, j'ai eu la confirmation que j'étais réellement payée à rien faire.

 

Mais ce n'est que la troisième semaine que j'ai commencé à me sentir vraiment intégrée à l'entreprise : j'ai été sous les ordres d'un petit chef, j'ai empêché mes collègues de travailler, j’ai dû attendre des nouvelles du service informatique, j'ai fait une gaffe et j'ai cancané en cassant du sucre dans le dos de certains collègues.

Lundi, j’ai été confrontée à un phénomène nouveau : un roquet. Bien sûr, ça faisait deux semaines que je voyais entrer dans mon bureau un moyennement supérieur au visage sinistre qui me saluait de loin avec une répugnance visible à m’adresser la parole. Mais il ne s’en était jamais pris à moi. Par contre, la dernière semaine, j’ai eu la chance de rencontrer un nouveau spécimen, un type qui ne se sent plus depuis sa récente promotion, et qui s’imagine qu’il est désormais supérieur, structurellement, à tous ses subordonnés (pardon, collègues). Mercredi, acculé par sa charge de travail, il m’a adressé la parole (bien que cela semble lui en coûter) et m’a confié une tâche en termes elliptiques. Ma collègue lui a demandé une traduction bilingue en français ordinaire. Une fois assurée de la nature de ma mission, je me suis mis à imprimer et à agrafer gaiment une demi-douzaine de feuilles, que j’ai posées fièrement sur le bureau du roquet. Il m’a regardé avec des yeux qui charriaient la banquise. Je me suis sentie obligée de bafouiller quelques mots genre « euh… c’est ce que vous m’avez demandé, les chiffres de chmiubilik goeif… ». Il feuilleta deux bonnes secondes avant de reposer ses yeux sur moi l’air de dire « on est cerné par des incapables. » et de me dire d’un ton implacable « non, c’est pas ça que je vous ai demandé. » Si, c’est exactement ce que vous m’avez demandé. Il re-regarda : « ah si pardon. C’est bon » genre « vous pouvez disposer ». Merci, maître. Le lendemain, il m’a fait relancer des entreprises au téléphone pour des réponses à des appels d’offre. Je les ai toutes appelées, laissant moult messages sur boîtes vocales. Avec le sentiment du devoir accompli, je suis allée déjeuner. Quand je suis revenue, il m’a fait un coup sournois « vous me ferez un rapport de ce que je vous ai demandé ce matin ». Attendez, j’aurai dû prendre des notes ? Je m’en souviens plus, moi ! J’ai bafouillé un bilan à base de « euh… Beaucoup d’entreprises ne répondent pas. Ceux qui l’ont fait, en général, ils m’ont dit qu’ils s’en chargeaient… Euh… ». Bref, il était vachement avancé. Une semaine de plus dans cette entreprise et je me serai mise à la rédaction de notes de service et de comptes-rendus de mission.

A la fin, mes pires craintes se sont confirmées : on m’a donné n’importe quoi, pourvu que ça m’occupe, comme relancer au téléphone des gens auxquels on avait déjà envoyé un mail. A moins que cela n’obéisse à des motivations moins avouables. Par exemple, le roquet m’a donné à faire 100 ou 200 photocopies issues de quatre gros classeurs, j’en ai eu pour une heure peut-être. Bien sûr, il aurait pu prendre les classeurs lui-même pour faire ses vérifications au lieu de m’en faire photocopier le contenu. Mais je comprends que ce soit difficile de résister au plaisir d’envoyer sa soubrette à la photocopieuse. La forêt amazonienne lui envoie ses meilleures pensées. Sinon, ma collègue préférée m’a donné à faire des étiquettes. Bien sûr, elle aurait pu les faire elle-même puisque comme elle me l’a répété une bonne douzaine de fois « c’est calme en ce moment… il n’y a pas beaucoup de travail… » mais elle n’a tellement pas confiance en elle qu’elle a préféré s’en remettre à mon bon goût ou plutôt mon goût tout court (« fais comme tu veux… enfin non ça c’est un peu trop… C’est bien un mais c’est un peu trop… Mais tu fais comme tu veux. »), un peu comme la fois où elle m’a demandé mon avis sur un organigramme (ultra-classique, à deux niveaux. Comment avoir un avis là-dessus ?).

Le dernier jour, ma technique de survie était affinée au maximum : de 9h10 à 10h, pause café, parce qu’on ne peut pas être efficace si on n’est pas à tête reposée. De 10h à 11h, consommation de croissants apportés par mes soins (dernier jour oblige) avec des collègues, en attendant le retour du service informatique puisque identifiant en panne. 11h à 12h, travailler un peu histoire de. 12h à 13h, pause déjeuner. 13h à 14h, pause café, histoire de se concentrer et se remettre en mode travail. 14h à 15h, travailler un peu. 15h à 16h15, squatter les bureaux de mes collègues pour bavarder et les empêcher de travailler. Il faut dire que mon bureau légitime était un terrain miné : les derniers jours, il servait de prétexte à ma collègue niaise pour bourdonner autour, pour me parler à l’insu de mon plein gré et regarder ce que je fais et me demander de lui expliquer, comme si la complexité des tâches qu’on me confiait nécessitait sous-titrage (oui je compose des numéros de téléphone et je ne pense pas que le fait que je sois une « intello » me donne une capacité spéciale qui fait que ma façon d’effectuer cette tâche est vachement plus efficace et enrichissante que quand elle est faite par quelqu’un d’autre) 16h15, heure de la libération. En fait, c’est cool la vie active. Ma collègue niaise m’a répété plusieurs fois que je vais lui manquer, qu’elle aime mon style, ma personnalité. C’est sûr que moi au moins, j’en ai une.

À la fin, plusieurs de mes collègues m'ont demandé de faire un bilan de ces trois merveilleuses semaines. Sur le coup, tout ce que j'ai trouvé à dire c'est « euh... l'ambiance est bonne... Euh... les gens sont sympas.... ». C'est sûr que c’était difficile de vanter les qualités des tâches qu’on m’a donné à faire ou les compétences que ça m’a permis d’acquérir. Bien sûr, j’aurai pu dire que ça a été une formidable expérience humaine dans la mesure où j’ai pu rencontrer des gens dont l’inintérêt dépasse tout ce que je pouvais imaginer. Ou que j’ai pu observer l’application de mes cours de sciences sociales : les rigidités bureaucratiques, parfaite illustration du cours « l’entreprise, entre marché et organisation » avec les responsables des échelons intermédiaires qui tentent de profiter de leur position pour capter un peu de pouvoir au détriment de l’efficacité. J’ai aussi découvert trois manières de s’attirer la sympathie : les mauvaises blagues, les croissants et les mini-jupes (bizarrement, celui-là, il marche moins bien avec les femmes). Et que quelqu’un peut te monopoliser pendant deux déjeuners en mode moulin à paroles et s’avérer très sympa au cinquième contact. Mais bon, c’était un peu long à expliquer.

Samedi 20 août 2011 à 16:38

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chère dinde de Noël
J'espère te faire profiter un peu de l'ambiance de la fête puisque tu y échappes immanquablement, chaque année tu es privée de ton réveillon et j'en suis désolée pour toi. Mais sache que ta mort n'est pas vaine. Car non seulement tu ravis les papilles des familles sans imagination (faire de la dinde à Noël, c'est tellement XXème siècle) mais en plus tu as une fonction rituelle, irremplaçable et socialement essentielle : tu es le bouc émissaire. J'espère que ton âme ne s'attarde pas ici-bas entre le 24 et le 25 pour assister aux rituels funéraires qui suivent ta mise à mort, car le choc pourrait être tel que ton âme n'atteigne jamais le paradis des volailles. Vois-tu ces chefs de famille, le bras prolongé par la machette qui sert une fois par an pour te mettre en pièce ? Ils s'acharnent avec vigueur sur ton cadavre, maladroitement, ils tentent vraiment de te débiter en tranches fines et égales mais même dans la mort tu résistes, tu leur donnes du fil à retordre, tu attises leur haine. Car c'est là, la vrai fonction de la dinde de Noël : tu préviens les meurtres contre les dindes humaines (ou du moins celles qui sont qualifiées comme telles par leur cher et tendre), tu sers d'exutoire.
Alors pars en paix, petite dinde. Car pendant l'année à venir, tu seras vengée par la dinde survivante.

Mardi 16 août 2011 à 16:20

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Au début, elle s’était dit qu’elle faisait des idées, qu’elle était trop vaniteuse. Les signes qu’on note distraitement et on finit par s’y raccrocher, par les guetter. Des petits gestes, des mots : cette façon de lui parler comme s'il n'y avait plus qu'elle, il était allé chez le coiffeur dans la semaine après qu’elle l’ait rencontré, cette façon de prendre son bras pour attirer son attention mais peut-être il le faisait à tout le monde, il ne portait pas son alliance, ces mains qui avaient pris ses épaules fermement pendant quelques secondes… mais cela ne prouve rien.
 
Mais elle avait envie de passer à autre chose, son couple l’ennuyait, elle voulait se dépayser le cœur, alors elle rêvassait, parce que ça flattait son ego et que ça l’occupait, parce qu’elle avait besoin de peupler son quotidien d’enjeux sentimentaux, mais elle n’y croyait pas vraiment, c’était un jeu auquel elle jouait seule, sur le plateau de son imagination elle avançait ou reculait d’une case selon les indices qu’elle faisait mine de déceler chez sa dernière cible, elle n’était même pas sûre de vouloir avoir raison, car quand l’amour fait irruption dans la réalité tout est tellement plus compliqué.
 
Elle ne se souvenait plus du moment où elle avait réalisé que ce n’était pas simplement dans sa tête. Après tout cela n’avait rien d’extraordinaire : un type marié depuis quinze ans, le démon du sablier à ses trousses, il croise une petite jeune, elle est suffisamment curieuse pour paraitre intéressée et puis c’est vrai qu’elle n’avait rien fait pour le repousser car elle avait envie d’en savoir plus sur lui, il l’intriguait un peu… Cela ne coûte rien de rêver.
 
Et puis leurs rêveries s’étaient entrechoquées, elle n’avait rien vu venir, ou plutôt elle l’avait trop rêvé pour croire que cela puisse être réel. Elle était flatté, certes, son désir d’évasion sentimentale l’avait presque poussée à céder pour de bon, à s’engager dans l’aventure de l’infidélité, après tout c’est encore ce qu’il y a de mieux pour tout le monde (plutôt qu’une rupture, plutôt que repousser leurs compagnons légitimes, les poignarder et puis il avait des enfants, des enfants qui auraient bientôt son âge à elle…), ça lui permettrait peut-être d’avancer, de se détacher de son histoire d’amour qui ne lui suffisait pas, qui ne lui suffisait jamais… Mais elle n’avait pas eu le courage, pas le cœur à trahir celui qui la soutenait depuis quelques années déjà… elle se servit de cette histoire et de son mariage à lui comme prétexte ; mais au fond elle le rejetait, il n’était pas vieux pourtant mais cet écart entre eux… elle ne pouvait s’imaginer embrasser ce visage qui commençait à être marqué par les ans, elle ne pouvait s’imaginer ouvrir les yeux et voir ce visage… ou peut-être que sa fixation sur le visage était elle-même un prétexte, un réflexe de défense pour ne pas se laisser entrainer dans une fuite en avant, pour ne pas se rendre vulnérable à nouveau.
 
Assis côte à côte sur des marches de ciment, se touchant à peine, ils fumaient une cigarette côté à côte, silencieux, encore lourds des mots qui venaient d’être échangés, lourds de leurs hésitations. Au fond, rien n’était joué.

Mardi 16 août 2011 à 13:39

En arrivant à l’appartement, elle fut surprise : elle s’attendait à une garçonnière meublée sommairement avec du linge sale dans les coins, une tour de Pise dans l’évier et des moutons de poussière en embuscade. Elle oubliait facilement qu’il n’était pas un étudiant, qu’il était de l’espèce supérieure dont rêvent certaines jeunes filles : les jeunes adultes, matures et responsables.
 
Ce qui lui plaisait surtout dans l’appartement qu’elle venait de découvrir, c’était les plantes vertes qui emplissaient le salon, grimpant vers le plafond. Elle se dirigea vers la bibliothèque, c’était sa façon à elle d’apprendre à mieux connaitre quelqu’un, elle était fascinée par les livres de toute façon, et puis cela lui donnait une contenance. Car maintenant qu’elle était arrivée chez lui, qui la suite des événements semblait cousue de fil blanc, elle avait des scrupules : ce moment, celui d’un dénouement heureux avec son Prince Charmant (ils s’embrassèrent et eurent une belle d’histoire d’amour), elle en avait longtemps rêvé, pourquoi précipiter les choses ? Pourquoi ne pas faire de cet instant une étape magique ? D’autant que la fièvre qui avait poussé le Prince à la faire monter chez lui semblait éteinte (sur le trajet, ils avaient échangés des baisers furtifs et des sourires ravis, faute de meilleure idée), il était resté près de l’entrée tandis qu’elle parcourait les titres des rayonnages. Elle aimait les bibliothèques bien rangées et bien remplies, et celle-là lui convenait. Elle garda ses suggestions pour plus tard. Bien sûr, elle avait envie de lui en emprunter une bonne vingtaine mais elle se dit que cela pouvait attendre. En la voyant consulter la quatrième de couverture de tel ouvrage, il s’approcha d’elle pour en faire le commentaire. Puis ils firent l’inventaire des mérites et défauts respectifs des auteurs en sociologie de l’éducation. Puis ils s’assirent sur le sofa pour débattre de leurs points de vue sur le sujet.
 
Ça y était, la machine était lancée. Ils réfléchissaient ensemble. Un double pour tester et affermir leurs idées, un guide, elle en avait longtemps rêvé. C’était un peu décevant bien sûr (ce n’était pas l’explosion intellectuelle qu’elle s’était représentée maintes fois), la réalité l’est souvent, mais c’était indéniablement stimulant. C’était comme si avec lui, elle était totalement en confiance, à l’aise, se laisser porter par les mots, dériver dans la discussion, sans craindre d’être mal comprise, de voir ses arguments réduits en miettes. Elle était bien, elle aurait voulu que la conversation ne cesse jamais, elle aurait voulu l’enregistrer pour s’en souvenir toujours. Lui par contre commençait à se lasser de rompre les lances dans cette joute verbale, de mener des combats d’arrière-garde avec une débutante de la pensée, il aurait voulu l’avoir rencontré cinq ans plus tard, pour ne pas avoir à faire son éducation intellectuelle. Et aussi agréable que ce soit de discuter d’un sujet qui le passionnait, de convaincre, ce n’était pas pour ça qu’il l’avait faite venir chez lui, il la regardait, la fièvre montait, peut-être parce qu’elle était si proche et pourtant si loin tandis qu’elle assimilait ce qu’il lui disait, qu’elle préparait sa prochaine flèche, prise dans le feu de la conversation son corps ne comptait plus.il finit par l’embrasser, étouffant une phrase. Elle y répondit, un peu distraitement au début, elle voulait achever la discussion, puis elle lâcha prise.
 
Le lendemain matin, encore enveloppée dans les couvertures pendant qu’il se préparait, elle ne savait pas trop quoi penser, elle ne savait même pas s’ils allaient se revoir en dehors de l’école. Alors elle s’habilla rapidement déposa un baiser léger sur les lèvres de son Prince encore groggy et alla prendre un petit déjeuner réconfortant dans un café du coin, un livre à la main.

Vendredi 12 août 2011 à 15:18

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Je marche sous des cieux qui me rappellent un peu la couleur des flammes. Mais peut-être que c’est juste mes idées noires qui teignent le ciel de la couleur du sang. Regardez-moi ce type à la terrasse d’un café, qui souffle des volutes de fumées avec voluptés, au dessus du visage et des seins refaits de quelques blondasses insipides qui lui tiennent compagnie. Bienvenue à New York, la ville qui ne dort jamais. Je n’ai ma place nulle part.
Je n’aurai pas dû venir, je n’aurai pas dû me dire « une occasion comme celle-là, ça ne se refuse pas », ça veut bien dire qu’on y va en trainant les pieds, pour ne pas le regretter. Mais on le regrette toujours. C’est vrai qu’ici au moins je ne vois pas Adrien et son sourire de cocker stupide. L’air de la vie rend plus libre que l’air du foyer. Si seulement je pouvais rencontrer quelqu’un, le percuter violemment, on se projetterait à terre et là, le souffle coupé par l’impact, on pourrait se regarder vraiment. Ici, je pourrais me nicher dans l’anonymat de la grande ville. Je voudrais suivre quelqu’un et soudain perdre pied. Mais ce genre de chose n’arrive que dans les films, quand on sait que le spectateur est en sécurité, lové dans son fauteuil. Moi, je voudrais que quelque chose m’arrive pour de vrai.
Devant moi, une jeune femme se fait happer par un jeune charmeur, il l’entoure de ses bras comme pour l’arracher au monde, comme l’étreinte d’un serpent. En passant, je l’entends chuchoter « s’il vous plaît laissez-vous faire, il ne faut pas qu’on me reconnaisse, je travaille comme consultant pour la police ». En entendant ça, je me retourne, en me disant « encore un beau parleur » et je vois son regard posé sur moi, il me fixe comme s’il voulait fixer mon visage dans sa mémoire et j’ai eu comme le sentiment qu’il chercherait à me retrouver, où que je sois. Je voudrais m’arrêter, revenir sur mes pas, lui parler peut-être, il est peut-être celui que j’attendais. Mais il chuchote à l’oreille de la jeune fille qu’il a enlacé, elle glousse d’un air ravi.
Le ciel est noir comme des larmes, il est temps de rentrer.

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